L’étau se resserre autour des acteurs touristiques à l’approche de la saison estivale 2020. Les questions se posent aujourd’hui avec acuité: comment sauver la saison touristique après le déconfinement, la réouverture des frontières et le redémarrage de l’activité aérienne et maritime? Comment rassurer les touristes d’une reprise sans faille? Avec les pertes énormes dues à la crise du Covid-19, le ministère de tutelle et les professionnels sont-ils prêts à soutenir l’industrie du tourisme ?
L’ensemble des acteurs est unanime à réclamer des lignes directrices claires et cohérentes de relance du secteur, désormais à l’arrêt depuis plusieurs mois. Le ministère du Tourisme et de l’Artisanat s’est manifesté en proposant un train de scénarii et de mesures pour sauver un secteur qui représente une véritable locomotive économique et sociale et un facteur clé dans la balance des paiements. Un secteur pourvoyeur de devises, générateur d’emplois directs et indirects et prescripteur de biens et de services à d’autres activités productives.
Néanmoins, le tourisme stratégique a été soumis à l’état de fébrilité intense suite aux mesures contraignantes et nécessaires qui ont été prises dans le cadre du confinement et la fermeture des frontières.
Encore une fois, le tourisme national a été frappé de plein fouet, après avoir fait preuve de résilience face à de nombreuses crises et des chocs inédits dans le passé dus essentiellement aux actes terroristes. Quoique le secteur ait vécu ces trois dernières années au rythme des bonnes performances qui ont animé les pronostics de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), l’euphorie a été brusquement et sévèrement interrompue suite au déclenchement de la crise pandémique du Covid-19.
Mais aujourd’hui, l’ère post-Covid-19 prévoit de nouvelles habitudes et réglementations basées sur une interaction réduite en contact et des restrictions de déplacement et d’hygiène plus strictes. Un plan de sauvetage est mis en place pour limiter les pertes, éviter l’effondrement de ce secteur sinistré.
Psst : outil de marketing
Le ministère a élaboré le protocole de sécurité sanitaire touristique (Psst), un outil de marketing, de communication et de commercialisation du tourisme tunisien. L’objectif étant d’aider les opérateurs à traverser, en gardant le cap, cette crise sociale et économique sans précédent du Covid-19. Ce protocole sanitaire inclut une série de précautions sanitaires destinées aux établissements hôteliers, agences touristiques et autres tour-opérateurs, en prévision de la période de levée totale du déconfinement sanitaire ciblé, pour la relance de l’activité touristique dans des conditions meilleures.
Cet outil constitue, également, une procédure de prévention pour rassurer les citoyens et les touristes et les inciter à passer, en toute tranquillité, leurs vacances en Tunisie, sans appréhension aucune. Cette démarche est le meilleur moyen pour préserver aussi bien la santé des estivants que celle des employés des établissements hôteliers et accompagner les opérateurs touristiques afin de gagner la confiance des touristes.
Le ministère propose, dans le document du protocole, un engagement des hôteliers à mettre en place des cellules de veille chargées de suivre la situation sanitaire, d’accompagner les estivants et d’accélérer la prise des mesures indispensables en cas de nouvelles contaminations au Covid-19, outre la mise à disposition d’équipes médicales pour la prise en charge quotidienne de la santé des touristes et des employés, en veillant à l’exploitation, à 50%, de la capacité d’accueil des hôtels, en vue d’une meilleure application des mesures de distanciation sociale et physique au profit des touristes et estivants.
Bien que cette pandémie ait douloureusement affecté ce secteur et cruellement affaibli l’entreprise touristique et hôtelière et ait lâché des milliers d’emplois vers l’inconnu, elle représentait une opportunité pour repenser la structure de notre industrie touristique.
D’après Mohamed Ali Toumi, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, la Tunisie est « prête à accueillir progressivement des touristes » après la crise sanitaire. D’ailleurs, la présidence du gouvernement a décidé, lundi dernier, la réouverture des frontières maritimes et aériennes tunisiennes à partir du 27 juin pour accueillir aussi bien les touristes que les Tunisiens résidant à l’étranger. Sachant que depuis des semaines, le ministère de tutelle s’emploie à intégrer la Tunisie dans les short-lists des pays à visiter par les touristes fixées par certains pays européens, en donnant à ces pays toutes les garanties nécessaires pour la sécurité de leurs ressortissants.
Avec la propagation du coronavirus depuis le début de l’année 2020, le nombre des touristes à l’échelle mondiale a baissé, impactant ainsi les recettes de ce secteur vital dans plusieurs pays, y compris la Tunisie qui a attiré, en 2019, plus de 9 millions de touristes. Par ailleurs, les indicateurs montrent que le volume des recettes touristiques a atteint 317 millions d’euros (1 milliard de dinars) jusqu’au 10 mai 2020, soit une baisse de 27%, par rapport à la même période de l’année dernière.
De même, la crise sanitaire a causé des pertes de près de deux milliards d’euros (6 milliards de dinars) au secteur qui contribue à hauteur de 14% du PIB et offre près de 400 mille emplois directs et indirects avec un grand effet d’entraînement sur le reste des secteurs.
Mesures insuffisantes
De leur côté, la FTH et la Ftav ont élaboré récemment une feuille de route conjointe de sortie de la crise. En outre, les deux fédérations sont décidés de créer une commission mixte permanente qui constituera une enceinte de concertation continue entre les deux organisations, d’œuvrer à la création de l’Union du tourisme réunissant les syndicats professionnels qui représentent les métiers du tourisme.
Elles ont appelé aussi à la création d’un Haut Conseil du tourisme comme cadre de concertation et de décision sur les politiques publiques relatives au tourisme, regroupant tous les intervenants publics et privés, et la création d’une commission parlementaire fixe chargée du tourisme au sein de l’Assemblée des représentants du peuple.
Enfin, les deux fédérations considèrent que les mesures prises en faveur du secteur sont d’une importance incontestable, mais elles sont insuffisantes pour assurer une reprise soutenue de l’activité touristique et doivent être renforcées par d’autres mesures d’accompagnement. En effet, les professionnels sont persuadés que le début d’une éventuelle reprise ne se fera qu’à partir du mois d’avril 2021 et dépendra de l’évolution de la pandémie.
Dans le même contexte, la Fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien (Fi2T), relevant de la Conect, a alerté, le lundi 1er juin, sur l’état d’incertitude dans lequel se trouve le secteur. Dans ce sens, la Fi2T évoque la question des moyens qui seront mis en œuvre pour accompagner les acteurs du tourisme dans la phase de relance nécessaire à toute activité.
En effet, la Fi2T estime que « les mesures de soutien prises par le gouvernement au profit du secteur du tourisme pour faire face aux répercussions de la crise de Covid-19 sont insuffisantes. Elles ne pourront pas sauver les entreprises touristiques et les milliers d’emplois menacés à très court terme ».
Par ailleurs, la fédération appelle à l’annulation des charges fiscales et sociales exigées durant l’exercice 2020, la clarification des conditions d’octroi des crédits avec garantie de l’Etat, tout en accélérant les délais d’octroi et le rééchelonnement sans pénalités de retard des échéances bancaires, ainsi que de celles des sociétés de leasing. Les professionnels du secteur (agents de voyages, hôteliers, centres de thalassothérapie, sociétés de services touristiques, artisans…) revendiquent également une clarification de la stratégie et du plan de relance du secteur.